La sensibilité influence la santé mentale
- Dr Saverio Tomasella

- 19 sept.
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 26 sept.
Par Tom Falkenstein from sensitivityresearch.com
L'auteur
Tom Falkenstein est psychothérapeute, auteur du livre The Highly Sensitive Man (HarperCollins, 2019) et doctorant à l'université Queen Mary de Londres sous la supervision du professeur Michael Pluess. Son travail a été présenté dans des podcasts, à la télévision, au cinéma, à la radio et dans des publications internationales. Tom exerce en cabinet privé à Londres. Pour plus d'informations, veuillez consulter le site : www.tomfalkenstein.com
Résumé
Cette étude est la toute première revue systématique qui examine le lien entre la sensibilité environnementale et la santé mentale. À travers 33 études, l'auteur a constaté qu'une haute sensibilité est systématiquement associée à la dépression et à l'anxiété, ce qui a des implications importantes pour la prévention et le traitement à l'échelle mondiale.
Contexte
Et si le fait d'être plus sensible à votre environnement pouvait affecter votre santé mentale ?
La sensibilité environnementale est un trait de personnalité qui reflète la force avec laquelle les gens réagissent à ce qui se passe en eux et autour d'eux. Tout le monde possède un certain degré de sensibilité, mais les personnes qui se situent à l'extrémité supérieure du continuum, souvent appelées personnes dotées d'une haute sensibilité (PHS), traitent les expériences de manière plus profonde et sont plus affectées émotionnellement par celles-ci.
Si ce trait de caractère peut être une force, il peut également accroître la vulnérabilité au stress et aux problèmes de santé mentale. Dans notre recherche (1), nous avons cherché à mieux comprendre le lien entre ce trait de personnalité et la santé mentale.
Objectifs de l'étude
Clarifier le lien entre la sensibilité et la santé mentale
Au cours des 25 dernières années, de nombreuses études ont suggéré que la sensibilité était liée à divers problèmes de santé mentale, mais les résultats ont été dispersés et sont parfois incohérents. Notre objectif était de rassembler toutes ces preuves et d'établir la force du lien entre la sensibilité et les problèmes de santé mentale courants.
En passant systématiquement en revue toutes les études disponibles, puis en effectuant une méta-analyse, nous avons cherché à répondre à une question simple mais importante : dans quelle mesure une haute sensibilité augmente-t-elle le risque de troubles mentaux courants ?
Principales conclusions
Ce que montrent réellement les données
Une haute sensibilité est systématiquement associée à un large éventail de troubles mentaux, non seulement la dépression et l'anxiété, mais aussi les symptômes psychosomatiques, le TOC, le TSPT, l'agoraphobie et la phobie sociale. Bien que l'ampleur de ces associations varie, la tendance est claire : une haute sensibilité est toujours liée à un plus grand nombre de symptômes.
La méta-analyse nous a fourni des estimations plus précises pour la dépression et l'anxiété, les deux résultats les plus largement étudiés. Nous avons constaté que :
Dépression : corrélation de la sensibilité à r = 0,36 (IC à 95 % = 0,30-0,42)
Anxiété : corrélation de la sensibilité à r = 0,39 (IC à 95 % = 0,34-0,44)
Il s'agit d'effets modérés mais solides, qui montrent que la sensibilité est un facteur significatif en matière de santé mentale. De plus, les résultats sont cohérents dans différents pays et groupes d'âge, ce qui suggère que cette relation ne se limite pas à un contexte culturel ou développemental particulier.
Quelles sont les implications de notre recherche ?
Vers des soins de santé mentale plus personnalisés
Nos résultats suggèrent que la sensibilité environnementale mérite une attention beaucoup plus grande dans la pratique clinique. Environ une personne sur trois est dotée d'une haute sensibilité (4), ce qui peut la rendre plus vulnérable au stress, mais signifie également qu'elle peut bénéficier tout particulièrement d'expériences positives dans le cadre d'une thérapie et d'interventions adaptées à sa sensibilité.
Reconnaître la sensibilité dès le début du traitement pourrait aider les cliniciens à personnaliser et à adapter le traitement, par exemple en mettant davantage l'accent sur les stratégies de régulation émotionnelle, la pleine conscience, l'amélioration des compétences en matière de management du stress ou en recadrant la sensibilité comme une force plutôt qu'une faiblesse.
Pour les jeunes, cette prise de conscience pourrait également aider les écoles et les familles à apporter un soutien qui réduit la stigmatisation et prévient les problèmes avant qu'ils ne s'aggravent.
À l'avenir, nous voyons un grand potentiel dans l'utilisation de la sensibilité comme prédicteur des résultats du traitement, ce qui permettrait d'identifier les personnes susceptibles de mieux répondre à différentes approches thérapeutiques. Cela pourrait rendre les soins de santé mentale plus efficaces et améliorer la prévention des rechutes.
Comment l'étude a-t-elle été menée ?
De centaines d'articles aux preuves les plus solides
Nous avons effectué des recherches dans sept grandes bases de données scientifiques, ainsi que dans d'autres sources, et avons initialement identifié 829 études. Après avoir appliqué des critères d'inclusion stricts, nous avons retenu 33 études portant sur un échantillon combiné de 12 697 participants (âgés en moyenne de 25 ans, dont environ 63 % de femmes) provenant du monde entier.
La plupart des études s'appuyaient sur des échantillons de la population générale, mais quelques-unes incluaient des groupes cliniques tels que des personnes souffrant de troubles obsessionnels compulsifs (TOC) ou de troubles de stress post-traumatique (TSPT). La sensibilité a été mesurée à l'aide de l'échelle Highly Sensitive Person Scale (HSPS) ou de sa version pour enfants (2, 3), tandis que la santé mentale a été évaluée à l'aide d'outils bien établis tels que le Beck Depression Inventory (BDI) et le Depression, Anxiety and Stress Scale (DASS-21).
Nous avons d'abord procédé à une revue systématique afin de recenser les données existantes, puis à une méta-analyse, qui nous a permis de calculer la force globale du lien entre la sensibilité et les troubles mentaux courants tels que la dépression et l'anxiété.
Quelles sont les limites de cette recherche ?
Même les preuves solides ont leurs lacunes.
Bien que nos conclusions soient solides, elles s'accompagnent de quelques réserves :
La plupart des études incluses s'appuient sur des questionnaires d'auto-évaluation, qui peuvent introduire un biais.
La majorité des participants proviennent de la population générale et sont souvent des étudiants, il est donc nécessaire de mener des travaux supplémentaires avec des échantillons cliniques et des groupes d'individus plus âgés.
Bon nombre des études sont transversales, ce qui signifie qu'elles capturent les associations à un moment donné, mais ne peuvent fournir d'informations sur les causes et les effets.
Les recherches futures devront suivre des personnes au fil du temps et dans différents contextes culturels afin de comprendre pleinement comment la sensibilité influence la santé mentale et le traitement.
Conclusion
Notre étude confirme que la haute sensibilité est liée à la dépression, à l'anxiété et à d'autres troubles mentaux. Cependant, la sensibilité n'est pas seulement une source de vulnérabilité. Elle s'accompagne également de forces uniques. En reconnaissant et en soutenant les personnes sensibles dans un contexte thérapeutique, nous pouvons réduire les risques et leur offrir des opportunités de s'épanouir.
La version complète en anglais de cet article de recherche est disponible ici : The Relationship Between Environmental Sensitivity and Common Mental-Health Problems in Adolescents and Adults: A Systematic Review and Meta-Analysis
References
Falkenstein, T., Sartori, L., Malanchini, M., Hadfield, K., & Pluess, M. (2025). The relationship between environmental sensitivity and common mental-health problems in adolescents and adults: A systematic review and meta-analysis. Clinical Psychological Science. https://doi.org/10.1177/21677026251348428
Aron, E. N., & Aron, A. (1997). Sensory-processing sensitivity and its relation to introversion and emotionality. Journal of Personality and Social Psychology, 73(2), 345–368.
Pluess, M., Assary, E., Lionetti, F., Lester, K. J., Krapohl, E., Aron, E. N., & Aron, A. (2018). Environmental sensitivity in children: Development of the Highly Sensitive Child Scale and identification of sensitivity groups. Developmental Psychology, 54(1), 51–70. https://doi.org/10.1037/dev0000406
Lionetti, F., Aron, E. N., Aron, A., Burns, G. L., Jagiellowicz, J., & Pluess, M. (2018). Dandelions, tulips and orchids: Evidence for sensitivity as a distinct personality trait. Developmental Psychology, 54(1), 160–172.


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