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Fiers d'être ultrasensibles

  • Photo du rédacteur: Dr Saverio Tomasella
    Dr Saverio Tomasella
  • 4 sept.
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 26 sept.

Longtemps considérée comme une fragilité, l’ultrasensibilité ou haute sensibilité commence enfin à être reconnue comme une autre manière d’être au monde. Si elle peut être difficile à vivre, il y a pourtant des solutions pour en faire une véritable force.

 

Un bruit trop fort, une lumière crue, une remarque mal formulée… Chez certaines personnes, ces petits stimuli « de rien du tout » prennent des proportions XXL. Dans le langage courant, on les appelle « hypersensibles ». « Je préfère parler de haute sensibilité ou d’ultrasensibilité » commence Saverio Tomasella, psychanalyste et spécialiste du sujet depuis plus de 25 ans.

 

Une pluralité de sensibilités

Pour mieux illustrer la diversité des sensibilités, les chercheurs ont développé une analogie florale. D’un côté, il y aurait les « orchidées », des personnalités très réactives, ne s’épanouissant que dans un climat parfaitement adapté et particulièrement vulnérables au stress, au bruit ou à l’imprévu. À l’opposé, les « pissenlits » font preuve d’une résilience naturelle : capables de s’adapter à presque tous les terrains, ils sont peu affectés par les variations de leur environnement. Entre ces deux extrêmes, on trouve les « tulipes », un profil intermédiaire, ni ultra-réactif ni complètement imperméable. Leur sensibilité s’exprime plus discrètement, mais reste bien présente. Une même personne peut d’ailleurs se sentir orchidée dans son couple, tulipe au travail et pissenlit entre amis. Ce qui compte, au fond, ce n’est pas tant la fleur… que la qualité du terreau.

 

Une question de terrain… et de génétique

Selon une étude de 2016*, l’ultrasensibilité aurait une origine génétique pour 47% des personnes ! Un gène impliqué dans le métabolisme de la sérotonine (ce neurotransmetteur qui régule l’humeur) serait plus court chez certaines personnes, ce qui réduirait leur capacité à réguler naturellement le stress. Mais les causes ne sont pas seulement biologiques. L’environnement joue aussi un rôle déterminant : un enfant élevé dans un climat porteur développera plus facilement une relation apaisée à sa sensibilité, tandis qu’un contexte instable ou hostile pourra générer méfiance, anxiété chronique et hypervigilance.

 

* « Sensory processing sensitivity and serotonin gene variance: Insights into mechanisms shaping environmental sensitivity », parue dans Neuroscience & Biobehavioral ReviewsHomberg.

 

Hyper ou ultra ? Une distinction essentielle

« Hyper » signifie « trop », « en excès ». Le mot a une connotation pathologique, comme dans « hypersensibilité alimentaire » ou « hypersensibilité cutanée ». Il désigne une réaction anormale, souvent douloureuse. À l’inverse, « ultra » évoque une intensité élevée, valorisante, non problématique. « L’hypersensibilité, au sens médical, est souvent associée à des troubles physiques ou psychiques, rappelle notre expert. La haute sensibilité n’a quant à elle rien d’anormal, c’est une manière différente de percevoir le monde. » Comprendre cette différence, ça change tout ! En effet, de nombreuses personnes se jugent péjorativement « trop sensibles », alors qu’elles sont simplement réceptives, intuitives, empathiques. Autant de qualités précieuses, à condition d’être comprises, protégées et assumées.

 

La vie en haute définition

« Être ultrasensible, c’est ressentir une émotion plus vive, plus durable », rappelle Saverio Tomasella. Un compliment peut illuminer notre journée ; une remarque anodine la plomber. Cela se traduit aussi par une perception sensorielle exacerbée, une attention accrue aux moindres variations de notre environnement. « Une personne hautement sensible traite les informations de façon plus fine, plus profonde que la moyenne, explique le spécialiste. Cela vaut pour les sons, la lumière, les odeurs, les textures… mais aussi pour tout ce qui se joue dans la relation à l’autre. »

 

Une intuition à apprivoiser

Un regard évité, un mot déplacé, une intonation étrange... et voilà qu’on se pose mille questions ! « Parce qu’être hautement sensible, c’est aussi avoir une capacité d’intuition remarquable, détecter les incohérences entre le discours verbal et le non-verbal, percevoir les malaises invisibles, capter les non-dits », précise Saverio Tomasella. Lorsqu’elle est reconnue, cette intuition devient un atout majeur : elle permet de créer des relations profondes, d’éviter les conflits, de sentir ce qui se joue derrière les apparences. « Mais si ces perceptions sont invalidées ou, pire, moquées par l’entourage, elles deviennent source de doute », ajoute l’expert. 

On peut alors vivre dans l’interrogation permanente : suis-je parano ? Ai-je mal interprété ? Puis-je me fier à mes ressentis ? Si on ne sait pas le calmer, le système nerveux, déjà plus réactif que la moyenne, peut alors s’emballer... et nous épuiser.

 

Se connaître, c’est la base

Pour vivre sereinement sa haute sensibilité, il s’agit d’abord de la cartographier. Pas en théorie, mais concrètement, au quotidien. « Qu’est-ce qui me ressource ? Qu’est-ce qui me vide ? À quel moment je perds mes moyens ? sont autant de questions essentielles à se poser, propose Saverio Tomasella. Il s’agit d’adopter une posture d’observation bienveillante, presque scientifique : repérer les signes de tension, les déclencheurs d’émotions, les facteurs de joie ou de fatigue. » Cette connaissance de soi devient alors une boussole : elle nous permet de faire des choix justes, de préserver son énergie, de se construire une vie sur-mesure.

 

L’importance de l’environnement

Le cadre de vie joue également un rôle décisif : un lieu bruyant, instable, imprévisible pourra générer de l’anxiété, un isolement, voire une dépression. À l’inverse, un environnement calme, structuré et chaleureux favorisera l’apaisement, la stabilité émotionnelle et l’épanouissement. « C’est vrai pour tout le monde, mais chez les personnes très sensibles, c’est d’autant plus spectaculaire », souligne Saverio Tomasella. Cela implique de choisir avec attention son entourage, son cadre de travail, son rythme et son hygiène de vie : oui, une alimentation équilibrée et la pratique d’une activité physique régulière peuvent vraiment nous aider.

 

La création, source d’équilibre

Un ultrasensible qui n’exprime pas sa sensibilité la subit. La création, même modeste, permet de canaliser l’intensité ressentie. « Écrire, chanter, jardiner, peindre… Peu importe le médium : il s’agit de passer du rôle de récepteur à celui d’émetteur », souligne l’expert. Idéal pour retrouver l’équilibre intérieur mais aussi pour donner un sens à l’émotion. Cela nous ancre aussi dans le présent et nourrit la confiance en soi. « Si on ne guérit pas de sa sensibilité, on peut la comprendre, la réguler, l’apprivoiser...l’habiter pleinement », conclut Saverio Tomasella.

 

Un rituel express

Trois minutes suffisent pour relancer le système : s’isoler, poser les coudes sur une table, couvrir ses yeux avec les paumes, respirer lentement par le nez. Un geste simple, mais puissant, pour redescendre en pression !

 

TEST

Êtes-vous hautement sensible ?

Cochez les affirmations qui vous ressemblent. Si vous en validez 7 ou plus, il y a de fortes chances que votre sensibilité soit plus élevée que la moyenne.

☐ Je capte facilement les tensions ou les malaises, même quand personne ne dit rien.

☐ Les sons forts ou les lumières vives peuvent vite me gêner ou m’épuiser.

☐ Il m’arrive de pleurer devant une pub, une chanson ou un détail anodin.

☐ Quand quelqu’un ment ou cache quelque chose, je le sens instinctivement.

☐ Je suis souvent touché·e par la beauté d’un paysage, d’un geste ou d’un mot.

☐ Je repense longtemps à certaines phrases, situations ou décisions.

☐ J’ai besoin de temps seul·e pour me régénérer, même si j’aime les autres.

☐ Je ressens les émotions des autres presque comme si c’étaient les miennes.

☐ Je suis facilement bouleversé·e par l’injustice, la violence ou la souffrance.

☐ J’ai du mal à me concentrer dans un lieu bruyant ou sur-stimulant.


Article écrit par Vanessa Krstic (août 2025).

 La BD Ultrasensibles contient un test plus poussé, plus détaillé et plus complet.

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